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Urbanisme


Elargissement du champ d’application du permis de construire modificatif : vers une régularisation généralisée des autorisations d’urbanisme

Dans un arrêt très récent du 26 juillet 2022, n°437765, la section du contentieux du Conseil d’État assouplit le régime du permis de construire modificatif en élargissant son champ d’application et l’alignant sur celui du permis de régularisation.

  • Avant : distinction entre le permis de construire modificatif  et le permis de régularisation

Le Conseil d’Etat a jugé qu’un permis de régularisation peut impliquer « de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE, sect., 2 oct. 2020, n° 438318).

Le permis modificatif, qui peut être délivré en dehors de tout contexte contentieux, mais peut aussi avoir pour objet de régulariser une illégalité du permis initial, restait régi par la jurisprudence Le Roy (CE, sect., 26 juill. 1982, n° 23604, Le Roy) qui imposait que les modifications autorisées (dont la légalité est appréciée au regard des règles en vigueur à la date de la décision et non de celles en vigueur au moment de la signature du permis initial : CE, 16 juin 1993, n° 129162 ; CE, 28 juill. 1989, n° 76082) ne doivent pas, « par leur nature ou leur ampleur, remettre en cause la conception générale du projet initial » (CE, 26 juill. 1982, n° 23604 ; CE, 3 avr. 1987, n° 53869 ; CE, 8 juin 1990, n° 76190 ; CE, 27 avril 1994, Bouchy, n°128478 ; CE, 1er oct. 2015, n° 374338 ; CE, 30 décembre 2015, n°375276).

Cette notion de « conception générale du projet initial » était assez floue et pouvait s’avérer relativement difficile à appréhender.

 

  • L’arrêt du 26 juillet 2022 consacre l’unification du champ du permis modificatif avec celui du permis de régularisation :

Le Conseil d’Etat élargit clairement le champ d’application du permis modificatif en remplaçant la notion « d’atteinte à la conception générale du projet » par celle de « bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».

Il juge en l’espèce que :

7. En premier lieu, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

8. En relevant que les modifications apportées au projet objet du permis initial en cours de validité se bornaient à prévoir la jonction des deux bâtiments initiaux en une seule construction G... un escalier couvert commun, la surélévation d'une partie de la construction en rez-de-chaussée G... l'adjonction d'une terrasse d'une surface de plancher de 4 m², ainsi que le remplacement d'un mur et de deux pare-vues en bois G... deux murs en briques et en estimant que ces modifications avaient pu faire l'objet d'un permis modificatif, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. ».

Cette solution s’aligne sur celle consacrée dans un avis du Conseil d’État pour les permis de régularisation accordés en cours d’instance en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, où le juge administratif avait déjà précisé :

« lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. » 

(CE sect., avis, 2 octobre 2020, n° 438318 ; voir aussi : CE, 28 avril 2021, n°441402).

Il s’agit là d’une véritable unification du champ du permis modificatif et du permis de régularisation.

Afin de mieux appréhender cette notion de  « bouleversement tel qu’il changerait la nature du projet», nous citerons quelques exemples jurisprudentiels :

  •  « Une modification de la vocation du hangar autorisé destiné à abriter du matériel agricole en une vaste habitation d’une surface de plancher totale de 443 m² » (CAA Marseille, 3 mai 2022, n°20MA03438) ;
  • « Une régularisation qui, pour que le projet soit conforme au PLU, nécessiterait de « modifier totalement l’implantation, la hauteur, la densité et la conception des bâtiments envisagés et de leur environnement, et de transformer en logements intermédiaires comprenant des logements sociaux un projet consistant initialement en la construction d’un ensemble de logements collectifs » (CAA Lyon, 22 février 2022 ; n°21LY01006) ;

⇨ Concrètement cela signifie pour le pétitionnaire peut apporter des modifications à des éléments importants de son projet de construction à partir du moment où la nature du projet reste identique, ceci même en dehors de toute procédure contentieuse.

Arrêt CE 26 juillet 2022, n°437765

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